Personne décroche

Hervé de Keroullas

33t monoface | 2024

Autrice : AnneLou Vicente
Conception et production : Jérôme Poret
Cover artwork : © Jean-Louis Chapuis
Gravure : Hervé de Keroullas – Studio DKmastering
Mixage : Christophe Jacques

Tirage à 200 exemplaires, numérotés signés

Diffusion, distribution : Labelle 69

La captation sonore du contenu d’un répondeur téléphonique est gravée sur un disque vinyle : au-delà d’une certaine mise en abîme techno-poétique de l’enregistrement et des différents filtres, résidus et fantômes qu’il charrie fatalement, le présent objet phonographique constitue une forme de portrait en creux, tant de ceux qui appellent — et laissent, donc, un message après le bip sonore en même temps qu’ils livrent de manière tautologique les secrets de fabrication d’un disque —, que de celui qui, en l’occurrence, n’en démord pas de ne pas décrocher et s’en remet à la machine, devenue boîte noire. Ne pas décrocher, c’est, littéralement et métaphoriquement, ne pas répondre à l’appel, voire manquer à l’appel. Moins être absent que s’abstraire momentanément ou systématiquement du monde et différer l’urgence qu’il y a à répondre à l’autre. L’autre, ce sont ces voix multiples (d’amis, de collègues, du frère depuis disparu, etc.), récurrentes pour certaines, encapsulées ad infinitum, archivées à double tour à la vie à la mort.

Ne pas prendre l’appel relève sans doute d’une forme de résistance à l’instantané, de refus ou de refuge, ce qui n’exclut en rien voire révèle la nécessité d’une présence, d’une physicalité palpable, d’un dialogue incarné, d’une écoute fidèle. Ne pas décrocher, c’est échapper un temps donné au désir de contact de l’autre, à ses demandes ainsi restées en suspens, et susciter immanquablement son impatience, son inquiétude ou sa lassitude.

« C’était un message pour Hervé qui n’est jamais là », dit la voix agacée. «Personne décroche», en boucle. Entendez : Hervé ne décroche pas. Merci de patienter…
Anne-Lou Vicente

DK Mastering, dubplate masters
Entretien par Laurent Catala
Mai 2025, Tsugi